La partie d’échecs vivants de Compiègne le 20 mai 1923 (4)
19/02/2021
Jamais fête du muguet ne fut aussi originale que celle de la ville de Compiègne en ce dimanche 20 mai 1923. Hormis les flonflons et autres défilés folkloriques inévitables dans ce genre de manifestations, c'est à une gigantesque partie d'échecs avec des pions vivants, que la municipalité a convié ses concitoyens. Imaginez ou plutôt regardez la photo : avec ses 40 mètres de côté, ses cases de 5 mètres, voici le damier le plus spectaculaire qui ait été dessiné sur une pelouse. Autre émerveillement : les 175 figurants en costumes du 15e siècle figurant les 32 pièces du jeu. En vérité, la partie se jouait dans une tribune, opposant deux champions d'échecs : messieurs Pape et Muffang, dont chaque coup était répercuté sur la pelouse. [Les années mémoire, Larousse]
La partie a été joué sous le patronage des associations « Les Echecs du Palais Royal » et « Le Cercle Philidor » dont sont issus respectivement Edouard Pape et André Muffang.
Présentons les deux joueurs
Edouard Pape (18/04/1870 Paris – 06/03/1949 Neuilly) était un joueur atypique car jouant peu, notamment accaparé par sa profession d'expert en objets d'art anciens mais aussi par son éclectisme : en effet, il était un problémiste réputé (spécialiste des deux coups), également auteur de romans (La variante F VIII du Gambit camulogène, Paris 1923).
Il avait une certaine notoriété dans les années 20, ayant participé à plusieurs simultanées célèbres contre de forts joueurs avec succès : en 1900, il est le seul à gagner contre Pillsbury dans une simultanée à l'aveugle ; en 1926, Capablanca, alors champion du monde, donna dans le Hall du Petit parisien une séance mémorable de quarante parties, avec le résultat de 35 gains, une nulle et une perdue contre Edouard Pape.
André Muffang (25/07/1897 Saint-Brieuc – 1989 Paris) était un polytechnicien qui a fait sa carrière aux ponts-et-chaussées à Valenciennes puis à Paris. Il joue aux échecs en amateur et fait partie des cercles de La Régence, puis Philidor et enfin Caïssa. Il gagne le championnat de France de 1931, participe à quatre Olympiades et se voit décerner le titre de MI par la FIDE à la création du titre en 1950 (premier MI français avant Aldo Haïk).
Au printemps 1923, Muffang avait réalisé une performance remarquable dans le tournoi international de Margate en Angleterre, où il avait terminé deuxième ex-æquo avec Michell, Alekhine et Bogoljubov avec 4,5/7, derrière Grünfeld 5,5/7, mais devant Reti 3/7. Il avait même gagné le tournoi de blitz devant Alekhine !