ffe

Interview de l'Arbitre en Chef du Championnat du Monde Carlsen-Caruana (Part 3)   

19/11/2018

Suite de Part 2

Question 4 : Sur l'arbitrage d'un championnat du monde, nos lecteurs sont curieux et voudraient savoir :

- Quand as-tu été nommé arbitre en chef et par qui ?

SE : Par le Président de la FIDE, Arkady Dvorkovich, juste après son élection, début octobre.

- Quel est la part du travail préparatoire de l'arbitre en chef avec Ashot Vardapetyan avant le lancement du 1er coup de la 1ere partie du match ?

SE : Ashot a été l'arbitre en chef du match Annand-Carlsen. C'est donc une grande chance pour moi de travailler avec lui. En tant que « représentant de la FIDE », il veille au respect des accords, des recommandations, des règlements de haut niveau. De mon côté, je gère l'application concrète de ces accords entre la FIDE, les managers des joueurs et les organisateurs, pendant le match. Pour prendre un exemple : Ashot négocie la température de la salle, et je règle le thermostat. Même si à la fin, c'est l'arbitre en chef qui décide, j'écoute avec respect ses recommandations. Autre exemple : le règlement prévoit que les joueurs doivent arriver 10 minutes avant le début des parties (il y a des contrôles de sécurité). Tout cela est discuté en amont, sans intervention de l'arbitre. Mais lors de la réunion technique, en présence des joueurs, l'idée de diminuer ce temps est apparue. J'ai donné mon accord de principe. Ashot a négocié avec les représentants des joueurs, et l'équipe privée de sécurité. Il m'a proposé de descendre à 8 minutes, puis à 6 minutes. Il fallait aussi mon autorisation, car tout retard peut être sanctionné par l'arbitre en chef, avec des amendes conséquentes.

Dans la séparation des pouvoirs, il représente le législatif, et moi l'exécutif.

- Que fait l'arbitre en chef de plus que les collègues occupés en ce moment sur les championnats départementaux des jeunes ?

SE : Là encore, prenons un exemple. La pièce touchée : Trois jours avant mon départ pour Londres, je suis allé au championnat des Bouches-du-Rhône jeunes. Je suis intervenu chez les poussins pour une pièce touchée. Il n'y avait pas de témoin, mais cela m'a pris dix secondes, je n'en ai même pas parlé à l'arbitre principal.

Je ne pensepas avoir ce type d'intervention en finale du Championnat du Monde. Cela dit, si cela devait arriver… et que l'arbitre ne sache pas quoi faire, je pense que ma carrière en prendrait un sacré coup. J'ai donc accès aux quatre caméras qui filment en permanence la salle de jeu, ainsi qu'aux caméras de sécurité. Je peux donc voir l'échiquier en gros plan. Je peux changer d'angle de vue, pour être certain que les mains des joueurs soient bien visibles. Cela évite que l'arbitre ne vienne à côté des joueurs et ne les dérange. Et en cas de contestation, sur une pièce touchée ou lâchée je peux lire le film.

Ces caméras me permettent aussi de suivre les joueurs quand ils quittent la zone de jeu. Je peux les observer dans les loges (ils sont au courant, bien sûr). Là encore cela évite de leur mettre de la pression, avec une présence physique trop pesante. Ils peuvent se détendre un peu. Mais je veille. Nous avons donc l'arbitrage en vidéo au championnat du Monde ! C'est un luxe par rapport aux championnats départementaux jeunes.

Ensuite il y a la gestion du confort des joueurs, où tout doit être parfait pour être oublié. Après la deuxième ronde, nous avons fait installer des cubes dans la salle de jeu, pour éviter que les joueurs ne reçoivent la ventilation directement dans les jambes. Nous ne faisons pas cela avec les U12.

La suite dans Part 4