Philidor, géant de l'Histoire
20/02/2021
Nous souhaitons profiter de cette exposition virtuelle consacrée au centenaire de la FFE pour rappeler la profondeur historique du jeu d'échecs en France. Si la FFE a un siècle, l'histoire du jeu d'échecs en France est pluriséculaire, comme nous le rappelle François-André Danican Philidor !
Par Stéphane Laborde
Le jeu d'échecs est fascinant à plus d'un titre, non seulement par sa profondeur, sa richesse combinatoire et stratégique, ses grands champions, sa dimension éducative et sportive, mais peut-être aussi et surtout parce qu'il a plus de 1500 ans d'Histoire et qu'on ne connaît aujourd'hui que l'aboutissement d'un lent processus de mise au point qui dépasse la vie humaine. Générations après générations les joueurs de Chaturanga, de Shatrang, d'Ajedrez, du jeu d'échecs, l'ont perfectionné dans sa forme et dans sa pratique.
Tout ceci ce sont les Historiens du jeu qui nous l'ont transmis au fil des âges, dont le Maître International et Champion de France 1978 et 1982 Nicolas Giffard nous a légué une somme considérable dans sa "Fabuleuse histoire des champions d'échecs" publiée en 1977, et reprise depuis dans son "Nouveau guide des échecs : traité complet" publié en 2009. Une somme qui a formé à l'Histoire échiquéenne des générations de joueurs et de passionnés.
Dans cette Histoire longue et passionnante, François-André Danican Philidor (1726 - 1795) tient une place considérable pour quantité de raisons. Je ne m'attarderai pas sur la dimension multiple de l'homme qui était aussi un grand musicien, toujours joué de nos jours, mais sur sa seule dimension échiquéenne.
Le XVIIIe siècle est une époque fondatrice à plus d'un titre, à cause de la Révolution Française bien sûr, mais aussi à cause de l'aboutissement de la Révolution scientifique initiée à la Renaissance et qui permettra notamment la Révolution industrielle. Il est important à ce sujet de noter que Philidor cite dans sa préface de l'édition définitive de 1777 le très grand mathématicien Leibnitz, qui qualifie le jeu de "Science".
"Les joueurs d'échecs vont pouvoir étudier et appliquer les Lois qui gouvernent les mécanismes maintenant bien connus du jeu"
C'est ainsi que Philidor va être le premier joueur, non seulement à dominer la planète échiquéenne sans rival, mais aussi et surtout à nous révéler les principes scientifiques du bon jeu. Avec son "Analyse du jeu d'échecs" publiée la première fois en 1749 et finalisée en 1777, les joueurs d'échecs vont pouvoir étudier et appliquer les Lois qui gouvernent les mécanismes maintenant bien connus du jeu : l'importance du centre, du développement, du choix du côté du roque, des colonnes ouvertes, des avant-postes, des pions passés, des finales, de l'opposition, des positions clés fondamentales comme celles de la finale Tour et Fou contre Tour, de Tour et pion contre Tour, du mat du Fou et du Cavalier, du mat de la Tour et d'autres thèmes plus subtils encore.
L'Analyse de Philidor est ainsi au jeu d'échecs un équivalent historique des Principia d'Isaac Newton (1687) pour la physique, ou du "discours de la méthode" de René Descartes (1637). C'est sans doute aussi le premier livre qui nous donne le témoignage de la convergence internationale des règles du jeu alors que l'Analyse nous révèle que le pat est encore considéré comme une victoire en Angleterre, mais plus pour très longtemps (Philidor finira sa vie à Londres où il sera soutenu pour jouer au club d'échecs).