Robert Crépeaux Champion de France 1924 (4)
23/02/2021
Amedée Gibaud (1885-1957) était un pur amateur, il fit une carrière dans l'administration des postes. « C'est tout seul que j'ai appris à jouer et je me suis perfectionné dans les tournois par correspondance. » (Les Cahiers de l'Echiquier Français) Ses progrès furent rapides et, après s'être établi à Paris en 1905, il devint champion du Cercle Philidor de 1907 à 1909 et pris part aux tournois de la Régence avec succès. En 1920 et 1924, il remporta les tournois du Palais Royal. (Petite controverse à propos de son prénom, Aimé et non Amédée était inscrit sur son état civil remarque Dominique Thimognier.)
L'une des personnalités marquantes de ce tournoi fut Marcel Duchamp (1887-1968). A l'époque, il était un « inconnu » à la fois dans le monde des arts et des échecs. L'un des grands connaisseurs de l'œuvre de Duchamp, le peintre Max Schoendorff, disparu depuis, me fit remarquer lors d'une rencontre à Lyon il y a quelques années :
« Au début du XXème siècle, Duchamp n'était rien par rapport à Picasso, immédiatement reconnu comme l'un des plus grands du siècle. Avec le temps l'écart s'estompe et Duchamp s'impose aujourd'hui comme l'un des plus révolutionnaires, des plus novateurs. »
Marcel Duchamp et Man Ray, 1924
En 1924 Duchamp était de retour en France. Il devient membre du Cercle Rouannais, la ville de ses parents. En mars, il est le seul à pouvoir battre en simultanée sur 17 échiquiers le Russe immigré Victor Kahn (1889-1971) de passage à Rouen. Au printemps, il rejoint l'une des meilleures équipes, le « Groupe des joueurs d'échecs de Nice ». Toutefois, c'est lors du « Tournoi international d'amateurs d'échecs de Paris 1924 » que Duchamp fait son entrée dans la compétition de haut niveau en France. Il remplaçait André Muffang qui s'était désisté.
Sa première participation au championnat de France à Strasbourg ne passa pas inaperçue car après un début laborieux, il revint en force vers la fin du tournoi comme le rapporta « La Stratégie » : « Marcel Duchamp, du Cercle Rouennais, a réussi, dans la seconde partie du tournoi à faire 4 points. Je pense que cela représente assez bien sa force. »
Fortement inspiré par Capablanca et les hypermodernes, Duchamp était avant tout un stratège qui n'était pas toujours à la hauteur sur le plan tactique. Voici comment il tint la dragée haute au champion de France avant de s'effondrer.